L'albine de Fernand Dupuy "Daniel"

Rédigé par Alain dans la rubrique Document et livre

Extrait du chapitre Mon village au temps de la Résistance par Fernand Dupuy né le 2 mars 1917 à Jumilhac-le-Grand.

Je débarquais à la gare de Limoges. Ah! ces gares elles étaient nos cauchemars et c’est pourquoi d’ailleurs durant longtemps ma fausse carte d’identité fut établie au nom d’un commis ambulant des P.T.T. Je pouvais ainsi gagner la sortie en empruntant le bureau-gare des P.T.T. et non la sortie habituelle. 
Mais, à Limoges, je n’avais pas cette identité et il m’était impossible de gagner la sortie par le bureau-gare des P.T.T. Or, ce jour-là personne ne pouvait quitter la gare sans être fouillé. J’avais sur moi quelques papiers qui ne laissaient aucun doute sur mon activité. En règle générale, je ne transportais jamais rien de compromettant, mon courrier (auxiliaire très précieux et plus souvent une femme, qui assurait les liaisons) en avait la charge. 
Comment faire?. Il m’était arrive une fois, dans ces circonstances analogues, d’avoir une idée de génie. Je m’approchais des cerbères, présentais ma cigarette et leur demandais du feu. Ils allumèrent ma cigarette et oublièrent de me fouiller. A la gare de Limoges, je n’avais pas la moindre cigarette sur moi, sans compter d’ailleurs que ce qui a pu réussir une fois peut échouer la deuxième fois.
Oui, comment faire?. Perdu pour perdu, j’avisai deux gendarmes. Je leur expliquai en peu de mots que je faisais partie de la Résistance et qui, si la Gestapo m’arrêtait, j’étais un homme perdu. Je leur demandai de me mettre les menottes aux mains et de me faire sortir entre eux deux.L’affaire était risqué. Les deux gendarmes se regardèrent ; ils n’hésitèrent qu’un instant : d’accord.
Il faut avoir connu des secondes de cette densité pour apprécier le prix de la vie. Je sortie entre mes deux gendarmes. Je n’aurais jamais pu imaginer que l’on put être aussi heureux menottes aux mains.
Tous les résistants ont connu des aventures semblables. Hélas! bien souvent, trop souvent, les aventures tournaient mal et ils sont nombreux trop nombreux, nos camarades qui furent arrêtés, torturés, fusillés dans les Alpes comme en Limousin, en Périgord et partout en France.